Le Spinosad: le débat est ouvert !

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Céline M ADABio
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Le Spinosad: le débat est ouvert !

Message par Céline M ADABio » 30 sept. 2016, 09:00

Bonjour à tous,

Le spinosad, matière active homologuée au cahier des charges européen de l'AB, fait débat depuis son apparition il y a presque 10 ans.
Dans la période à risque concernant la mouche mineuse du poireau (spinosad non homologué sur cet usage !!), le débat a été relancé dans le dernier bulletin participatif.
Annemasse: Il faut arrêter avec Spinosad, n'a rien de bio comme produit, dangereux, absolument pas sélectif, un produit de chimistes ! Les filets marchent très bien ou alors la pédagogie auprès de ses clients qui après explications ne rechignent pas à acheter même avec quelques aléas uniquement esthétiques, jamais vu encore mais cette année, énormément altises sur betteraves...feuilles grises
Voironnais: Début traitement spinosad sur poireaux (on est de petits chimistes :-) ) ps : tu peux lancer un débat sur le forum de l'Ababio ça permettra de confronter les points de vue)
Ce sujet est donc créer pour que chacun de s'exprimer librement, le débat est ouvert !


Mais en attendant, petit rappel sur le spinosad (sources Catherine Mazzolier - GRAB, Yannie Trottin - CTIFL, divers travaux de l'ADABio):

Origine et composition:
Le Spinosad est une matière active d’origine naturelle. C’est un produit fermenté dérivé du mélange de deux toxines (Spinosyn A et D) sécrétées par une bactérie vivant dans le sol, le Saccharopolyspora spinosa.

Homologation:
- Présent sur la liste positive des substances utilisables en agriculture biologique (CF sur le guide des intrants INAO-ITAB)
- En France, plusieurs formulations commerciales contenant la matière active spinosad disposent d'une AMM (Success 4, Musdo 4, Roadster...). Ces produits sont homologués sur plusieurs usages en maraîchage: thrips sur poireau/oignon/fraise/tomate/poivron, doryphores sur pomme de terre, chenilles phytophages sur tomate/poivron/choux/haricot PC ... (CF. Principaux Usages homologués en France en 2016 (site E-Phy))

Mode d'action et efficacité sur les ravageurs:
Le spinosad est un neurotoxique, actif par ingestion et par contact. Il n’est pas systémique mais peut pénétrer dans les feuilles (produit translaminaire). Sa persistance d’action est de 1 à 2 semaines. Les symptômes sont rapides : l’insecte est paralysé et arrête de s’alimenter, puis meurt rapidement. Le stade le plus sensible est le stade larvaire, mais le spinosad peut également agir, selon les espèces, sur les adultes (thrips et mouches) ou sur les oeufs (tordeuse de la vigne).
De nombreux essais ont été réalisé et montrent une efficacité du spinosad sur chenilles, thrips, mouches et doryphore.
Il est cependant inefficace contre acariens, pucerons et aleurodes...

Toxicité du spinosad vis à vis des auxiliaires:

Il est toxique pour les micro-hymènoptères parasitoïdes et pour les pollinisateurs (abeilles et bourdons), les taux de mortalité sont de 50% à 75 % sur les adultes et de 25% à 50 % sur les larves.
Il est un peu moins toxiques sur les mirides (punaises prédatrices type macrolophus) à hauteur de 25% à 50 %. Cependant, il est montré que la persistance de l'action serait de plus de 4 semaines après application sur ces punaises.
Il est peu toxiques sur les autres espèces d'auxiliaires <25%.
Par ailleurs, des essais réalisés en 2010-2011 à l'ADABio sur les effet non-intentionnels des traitements contre la mouche du brou (noix), ont montré une incidence négative sur la faune auxiliaires: carabes, orius, anthocoris, et acariens prédateurs.

Rémanence et résistance:

Il est indiqué que le spinosad met entre 25 jours et 70 jours à ce dégrader dans les sols, mais en revanche il est peu lessivable puisqu'il est capter en grande quantité par les particules du sol. (site sage pesticides)
On observe de plus en plus des phénomènes de résistances il faut pour cela bien veiller à ne pas dépasser le nombre d'applications autorisées (2 max).
Ces phénomènes ont été observés sur Tuta absoluta et une Drosophile (CF. Chabane et al, Insecticides, 2012)

Alternatives à l'utilisation du Spinosad:
Elles sont nombreuses, mais pas toujours efficace selon les cibles et pas toujours facile à mettre en place selon les contextes et parfois plus coûteuses...
Contre les chenilles phytophages (noctuelles, piérides, teignes):
- utilisation de Bacillus T. (Dipel/Delfin)- pour améliorer son efficacité il faut intervenir sur des stades jeunes (donc bien connaître le cycle et observer ses cultures), il est préférable aussi de traiter en fin de journée et enfin il est possible de rajouter du sucre pour améliorer l’appétence du produits.
- Filets (filet anti-insectes ou filet climatique) - posé de manière hermétique aux bonnes périodes (piéride et teigne avant fin juillet)
Contre les thrips:
- Filets anti-thrips maille de 800 µm (posé par exemple sur pépinière de poireau)
- Bassinage des cultures (le thrips se développe en condition chaudes et sèches)
- favoriser ou lâcher des auxiliaires (aeolothrpis, orius)
Contre les doryphores:
- utilisation de Bacillus T. (Novodor)- pour améliorer son efficacité il faut intervenir uniquement sur les larves au stades jeunes (donc bien connaître le cycle et observer ses cultures), il est préférable aussi de traiter en fin de journée et enfin il est possible de rajouter du sucre pour améliorer l’appétence du produits.
Contre mouche mineuse du poireau:
- Filets (filet anti-insectes ou filet climatique) - posé de manière hermétique pas nécessairement sur arceaux dès le début du vol (début septembre)
- Faucher les poireaux 15 à 20 cm au dessus du cornet, une première fois pendant le pic de vol (possiblement semaines 40 – 41), une seconde fois en fin de vol (possiblement semaine 44).
ecolojon
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Re: Le Spinosad: le débat est ouvert !

Message par ecolojon » 11 oct. 2016, 19:50

nous somme beaucoup, je pense, à vivre au quotidien la stratégie du moins pire. Qui n'aimerait pas se passer du tracteur et de ses gaz d'échappement, du tel portable et de ses conséquences sur la santé et celles des habitants des Pays qui subissent les conditions d’extraction des minéraux "indispensable" à leur fabrication?
Bref, on peut faire autrement qu'utiliser le spinosad mais c'est bien confortable (surtout sur PDT où 0,0075L dilué dans 400L suffisent à éradiquer tous les stades de doryphores).
Au delà de la non sélectivité du produit, ce qui me dérange beaucoup c'est de donner de l'argent à Dow chemical (le fabricant) qui est un gros chimiste (dans la lignée des Bayer, Syngenta...) qui a racheté Union carbide, responsable de la catastrophe de Bhopal.
Reste ensuite à savoir si utiliser des km de filet en plastique à usage quasi-unique est plus vertueux qu'utiliser 0,0075L/Ha de spinosad. A vrai dire je n'en sais rien mais ce qui est sûr c'est que l'utilisation de filets est beaucoup plus créatrice d'emploi...
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Re: Le Spinosad: le débat est ouvert !

Message par gaecamapola » 12 oct. 2016, 18:44

salut,

Au Gaec la Amapola, nous utilisons le spinosad sur les poireaux et les oignons car nous ne pouvons pas mettre de filet à cause des risques d'alternaria. Nous faisons ce choix consciemment , sachant que se produit est peu sélectif, en considérant que peu d’auxiliaires et d'abeilles se trouvent sur ces cultures. Evidemment que l'utilisation de ce produit n'est pas très satisfaisant d'un point de vue écologique, mais nous faisons chaque jour des concessions dans notre travail de maraîcher. A chacun de mettre le curseur plus ou moins haut dans le respect du cahier des charges.

Il est bien sur possible de se passer de tout produit, de ne pas utiliser de paillage plastique ni de semences hybrides mais il est aussi évident que si l'on veut que l'AB se développe et remplace petit à petit la culture conventionnelle alors il faut accepter ce genre de techniques qui permettent une mécanisation importante du travail. Difficile par exemple pour un producteur qui fait gros de couvrir avec des filets 1 hectare de poireaux. Ce sont ces producteurs qui alimentent les magasins bio, les cantines et la transformation, pas les petites exploitations en vente directe.

Pour moi ces 2 démarches sont complémentaires, une agriculture bio très productive qui puisse rapidement concurrencer la culture conventionnelle et une agriculture bio plus vertueuse, à plus petite échelle, avec des exigences écologiques plus élevées , qui sert un peu de "centre de recherche" pour les pratiques futures. Charge à ces producteurs de bien expliquer leur démarche pour valoriser leur production à un prix correct.

pierrick
Hugues V
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Re: Le Spinosad: le débat est ouvert !

Message par Hugues V » 14 févr. 2017, 10:06

Bonjour à tous,

Déjà merci Rémi pour la description en profondeur du produit.

Pour moi il y a plusieurs questions qui se posent

- la question de l'impact sanitaire : Le produit est dit 'translaminaire', qui pénètre dans les feuilles avec une persistance annoncée jusqu'à 2 semaines, mais plus loin on parle d'un délai de 70 jours avant qu'il soit dégradé dans le sol... Qu'en est-il vraiment à des doses faibles? Ce produit est un neurotoxique, donc un produit qui peut très certainement avoir un effet néfaste sur la santé humaine. => Quel est l'impact éthique sur nos clients. Quand les gens vont apprendre que les mêmes dangers sont présent dans les produits AB, quelle légitimité va garder la certification?

- la question de l'impact environnemental : Pour moi tout produit non-sélectif n'a pas sa place dans une agriculture biologique. Le risque d'aggraver le problème par des phénomènes de résistance des ravageurs au produit et la destruction des espèces auxiliaires est bien trop important.

A titre d'exemple je donnerais les résultats visuels que l'on a au champ des BLES depuis 2 ans sur piéride : Nous couvrons les choux avec des filbio et filets climatiques que sur la moitié de la surface, il semble qu'il y ai plus de chenille sous les filets que sur les choux non-couverts du fait du travail des oiseaux (fauvette à tête noir notamment). {La non couverture nous a été dommageable sur 2016 à cause d'une grosse invasion de punaise du choux (problème sur la rotation)}. Quel impact de ces produits à spectre large et rémanent sur la faune auxiliaire?!

- la question économique : Comme l'a si bien dit ecolojon, où est la logique à donner de l'argent à Dow Chimicals grand acteur de la chimie synthétique... Ensuite justifier le moindre effort par la volonté de conquête du marché conventionnel ne me semble personnellement pas une quête noble dans le sens que si nous faisons des choix éthiques à minima nous scions la branche sur laquelle nous sommes assis car nous décrédibilisons le choix du consommateur d'acheter des produits sains pour eux et pour l'environnement. Et pour finir ce genre de produit se rend indispensable dans le temps car il détruit les espèces auxiliaires et donc devient une nécessité d'achat tous les ans..

Le débat est lancé ;)
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